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Faire le mur, c’est une habitude pour les détenus de la prison de Halden, non loin d’Oslo en Norvège ! Enfin, façon de parler. Ils ne s’attaquent pas à l’enceinte principale mais bien à la paroi d’escalade qui a été spécialement aménagée pour eux dans un hall de sport tout neuf… Ouverte en 2010, Halden n’a pas d’équivalent au monde. La preuve : journalistes, experts et élus étrangers continuent de s’y presser pour la visiter, et tenter de comprendre cette nouvelle politique carcérale.
Cet établissement est certes entouré d’une solide défense en béton. Mais comme le site a une superficie de 30 hectares avec des zones boisées, ils ne sont pas oppressants. Mieux : à l’intérieur, se dressent une série de bâtiments à l’architecture recherchée entre lesquels vont et viennent les 250 détenus, la plupart condamnés pour des crimes et délits graves. On y trouve des salles de formation, des ateliers de travail, des espaces pour les visites, une supérette et même un studio musical.
Garder la privation de liberté mais atténuer l’aspect sanction et surtout travailler à la réintégration sociale.
Au sein de la bâtisse principale, les cellules individuelles ressemblent plus à des kots d’étudiants avec lit, bureau, étagère, frigo et TV. Cuisines et salons font partie des communs et semblent tout droit sortis d’un catalogue IKEA. Si tant de soins ont été apportés au quotidien des détenus, c’est en application d’une philosophie toute spéciale de l’incarcération. À savoir ? Garder la privation de liberté mais atténuer l’aspect sanction et surtout travailler à la réintégration sociale. C’est ce qu’on appelle la « prison ouverte ».
Ce modèle fait florès dans les pays scandinaves depuis la fin des années 1990 (le concept théorique, lui, est plus ancien). La Norvège a démarré en transformant une petite île dans le fjord d’Oslo en pénitencier à ciel ouvert : Bastøy. La Finlande en compte 13. Au Danemark, la prison de Strostrøm suscite l’émerveillement des architectes. La Suède impose 6 à 8 heures d’activités encadrées par jour à Kolmården ou Skenäs. Le Groenland ouvrira sa prison « humaine » en 2019, à Nuuk…
Dans ces établissements, tout est fait pour rappeler aux prisonniers la vie courante. Pour les pousser à se former et à travailler. Pour les responsabiliser par des tâches concrètes (un peu comme le fait d’ailleurs Sodexo aux Centres de Psychiatrie Légale de Gand et d’Anvers). Pour favoriser la socialisation (y compris avec les gardiens). Pour éviter l’inactivité, la perte de sens, la radicalisation… L’objectif ultime est d’atteindre, à la libération, un taux de récidive qui soit le plus bas possible. Et apparemment, les premières statistiques sont bonnes.
Néanmoins, le système ne fonctionne pas sans contraintes. Les prisonniers sont choisis pour leurs conduites irréprochables dans les autres prisons, classiques, celles-là. Une sélection existe donc. De plus, ils doivent s’engager envers la direction : se lever tôt, rester calme, ne pas chercher l’évasion, éviter les bagarres, ne pas faire rentrer alcool ou drogue, etc. À la moindre incartade, c’est le retour à la case cachot. En fait, les places en prisons ouvertes ne constituent qu’une partie du parc carcéral de ces pays. Jusqu’à 35% en Norvège, en Finlande et au Danemark. Ce qui est quand même inédit. Et qui pourrait être encore augmenté à l’avenir.